L’état d’urgence a été institué pour répondre à des situations spéciales (péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public ou catastrophes naturelles) pour lesquelles l’état d’exception n’est pas adapté.
Il autorise l’autorité administrative à prendre des mesures restreignant les libertés. C’est-à-dire qu’il autorise l’autorité administrative à prendre des décisions qui sont habituellement du ressort de la justice.
On peut comprendre que cela puisse s’avérer nécessaire dans des situation où la sécurité des Français (ou une partie des Français) est menacée et où la police a besoin d’agir rapidement.
Mais l’état d’urgence implique des comportements policiers qui ne peuvent être que temporaires. Il nécessite donc un contrôle.
Actuellement, l’état d’urgence est décidé par le gouvernement et il est soumis au contrôle a posteriori de la justice administrative et du Parlement qui est le seul à pouvoir le prolonger au-delà de 12 jours.
Le projet de loi veut intégrer la législation sur l’état d’urgence dans le droit commun uniquement pour les cas où les faits relèvent du terrorisme ou semble relever du terrorisme.
Dans les affaires liées au terrorisme, l’autorité administrative pourrait donc seule décider de restreindre les libertés de personnes en lien ou soupçonnées d’être en lien avec le terrorisme, le contrôle se faisant au départ par le procureur de la République de Paris qui n’est pas un magistrat indépendant (un procureur est désigné par le pouvoir politique) et a posteriori par la justice administrative, sur la seule base des éléments de surveillance des services de renseignement (on soumettrait à des mesures privatives ou restrictives de libertés des personnes auxquelles aucune infraction pénale ne serait reprochée).
De plus, il n’y aurait plus de contrôle parlementaire et le juge judiciaire serait exclu.
Le régime d’exception ferait partie de la justice ordinaire avec les conséquences que l’on peut craindre. Il s’agit bien de donner à l’administration des prérogatives réservées normalement à la justice. On remet ainsi en cause le principe même de séparation des pouvoirs. L’autorité administrative (par exemple un préfet) pourrait décider seule du bien-fondé de restreindre les libertés d’une personne sous le seul prétexte qu’elle serait soupçonnée d’être liée au terrorisme. Qui contrôlerait? Quelqu’un qui agit sous l’autorité du ministre de la justice, donc au final sous l’autorité du gouvernement. Toute personne pourrait tomber sous le coup d’un arbitraire administratif.
Et qu’appelle-t-on terrorisme? Le terrorisme islamiste? Y a-t-il une définition du terrorisme qui ne soit pas politique? Ne va-t-on pas assister à un élargissement progressif de la notion de terrorisme et même à un élargissement vers d’autres formes d’infraction?
Certes, le terrorisme est évidemment une atteinte grave à la sécurité publique mais constitue-t-il un péril imminent? La France est-elle en situation de péril? Bien sûr que non. Les lois ordinaires ne peuvent-elles pas suffire à lutter contre ce fléau? Pour ma part, je pense que si.
L’état d’exception doit rester exceptionnel et limité dans le temps. La privation de liberté par le pouvoir exécutif ne peut être que temporaire et ne peut pas être considérée comme faisant partie de la justice ordinaire. La justice ordinaire en France est déjà marquée par l’influence du pouvoir exécutif qui désigne les procureurs et leurs substituts. Il n’est pas sain et il est même dangereux pour l’état de droit de vouloir encore renforcer cette influence.
La séparation des pouvoirs est un principe intangible. Même le péril le plus éminent ne doit pas nous faire perdre cette conquête.
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