Erdoğan et le satiriste.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan s’est offensé des propos du satiriste allemand Jan Böhmermann tenus lors de son émission hebdomadaire NEO MAGAZIN ROYALE du 31 mars 2016. Erdoğan a porté plainte en Allemagne et a demandé au gouvernement allemand d’autoriser des poursuites judiciaires contre Jan Böhmermann.

Le 17 mars 2016, l’émission satirique de la NDR, Extra 3, diffuse un clip vidéo satirique qui se moque de la politique du président turc Recep Tayyip Erdoğan.

La vidéo sur Youtube:

Le 22 mars, le ministère des Affaires étrangères turc convoque l’ambassadeur allemand en Turquie pour exiger le retrait de la vidéo incriminée d’internet .

Le 31 mars 2016, dans son émission satirique hebdomadaire NEO MAGAZIN ROYALE,  Jan Böhmermann entend défendre ses confrères d’Extra 3 face à Erdogan en prenant ce dernier pour un ignorant qui a besoin qu’on lui fasse la leçon.

La vidéo sur vimeo:

Il se pose alors en pédagogue et explique au président turc que ce que ses confrères ont fait est tout à fait légal en Allemagne, que la satire y est normale et acceptée et garantie par la constitution allemande.

Il lui explique  ensuite ce qui est vraiment interdit en Allemagne: les propos insultants et diffamants, ceux qui ne cherchent qu’à salir l’image et la réputation d’une personne (Ce que les Allemands appellent « Schmähkritik »).

Il donne alors une illustration concrète de ce qu’il vient d’expliquer en lisant son maintenant célèbre « Schmähgedicht » où insultes et affirmations diffamatoires se succèdent. Sous couvert d’expliquer et d’illustrer, il récite donc un poème dont le contenu est destiné à défier et provoquer le président turc. Il insiste avant la lecture du poème sur le fait que ce qu’il va lire est passible de poursuites.

Il va même jusqu’à lui conseiller un avocat pour engager des poursuites.

Il s’amuse et, pour peu que l’on ait un soupçon d’intelligence, on voit bien qu’il ne s’agit que d’un jeu. (Certains jugeront peut-être ce jeu de mauvais goût)

Pourtant, Erdogan se laisse prendre au piège, lui qui a déjà permis à la vidéo d’Extra 3 de passer de 50000 vues à plus de 7 millions.

Il porte plainte en Allemagne contre Jan Böhmermann et oblige le gouvernement allemand à autoriser des poursuites contre ce dernier. La chancelière est soumise à une loi allemande qui date du 19ème siècle et qui  permet à des dirigeants étrangers de demander au gouvernement allemand d’autoriser des poursuites contre des gens qui leur auraient manqué de respect.

A mon avis, le président turc s’est ridiculisé deux fois en tentant de montrer à ses concitoyens et notamment aux personnes vivant en Allemagne et possédant encore la nationalité turque qu’il ne se laisse pas faire  et sait mater les insoumis, ceux qui osent mettre en doute son autorité et sa légitimité à représenter l’ensemble du peuple turc car bien sûr il considère qu’une attaque contre lui est une attaque contre tout son peuple. C’est un mégalomane qui est malheureusement à la tête d’un état puissant dont la politique actuelle fait des ravages.

Jan Böhmermann s’en sortira avec au pire une petite condamnation, loin de ce qu’ Erdoğan espère. Il n’est même pas sûr qu’il obtienne la suppression des vidéos d’internet. Le satiriste aura gagné et c’est tant mieux.

Ce qui est inquiétant, c’est que l’Europe ne dit pas grand-chose.